Durant mon stage, certains résidents ont manifesté leur mécontentement de voir la veilleuse de nuit entrer dans leur chambre à vingt deux heures, tous les soirs, au début de son service, afin de vérifier que tous les adultes sont présents. Ces «contrôles » qui n'étaient pas institutionnalisés, le sont devenus, quelques mois après le début de mon stage, à la suite d'une fugue d'un résident, pris d'une crise d'angoisse durant une soirée.
Certes, la veilleuse prend le soin de frapper à la porte, s'il y a de la lumière dans la chambre, cependant, elle entre dans la chambre des adultes s'ils sont couchés afin d'attester de leur présence. Dès lors, il y a violation de leur intimité car ils ne peuvent avoir de vie privée. L'institution, par le biais de la veilleuse, a connaissance des relations amicales, intimes et/ou sexuelles que peuvent nouer les résidents entre eux.
Au travers de cet exemple, se traduit la problématique de concilier respect de l'intimité et de la sexualité, avec la mission première des institutions médico-sociales, à savoir, veiller à la sécurité physique et psychique de la personne accueillie en son sein.
Ce paradoxe s'est concrétisé, hors d'une réunion de l'équipe éducative. En effet, tandis que certains éducateurs justifiaient l'intrusion de la veilleuse dans la chambre des résidents, par la nécessité de protéger le résident et l'institution, les autres éducateurs, sans réfuter cette obligation, expérimentaient la nécessité de laisser l'institution en dehors de la chambre de l'adulte, en leur permettant d'avoir des lieux et des moments d'intimités dans leur vie «institutionnalisée », parfois depuis leur plus tendre enfance. Cet épisode m'a amené à m'interroger sur les limites d'intervention de l'éducateur.
Jusqu'où les professionnels sociaux peuvent-ils accompagner l'adulte handicapé vivant en institution ?
[...] En effet, une formation sur les thèmes de la sexualité et de l'intimité de personnes vivant en institution, a été proposée à certains professionnels, comme le stipule, d'ailleurs, le projet d'établissement : « Soucieux de maintenir et développer leurs connaissances et savoir-faire, les membres du personnel se forment régulièrement ». Cette situation de l'éducateur, qui parle de la sexualité avec deux résidents, me questionne sur la «toute connaissance ». L'éducateur qui mange avec le résident, l'accompagne pour faire des achats, le conseille sur sa façon de s'habiller, l'aide dans sa gestion financière, doit-il et surtout, peut-il, en plus, s'investir dans la vie sexuelle, affective et intime de la personne qu'il prend en charge ? [...]
[...] Ces «mal être restés sans réponses, étaient source de problématique, qui devenait lourdes et inconfortables tant pour les personnes handicapées que pour les équipes éducatives. Dans cette optique, j'ai essayé, avec l'appui d'apports théoriques et de mon expérience d'élaborer ma propre hypothèse concernant la façon de concilier le travail institutionnel avec le respect de l'intimité, de la vie affective et sexuelle des adultes handicapés mentaux. III– Vérification théorique de mon hypothèse Un problème se pose avec de plus en plus d'acuité dans la dimension d'accompagnement et d'aide des éducateurs : comment penser, dire, faire avec la dimension sexuelle et affective des personnes handicapées qui, avant d'être handicapées, sont avant tout des hommes et des femmes à part entière ? [...]
[...] Elle lui a dit avoir «besoin de parler ». Elle lui a expliqué que son copain buvait et qu'il lui arrivait d'être violent vis à vis d'elle, mais, elle a ajouté qu'elle l'aimait et qu'elle ne voulait pas que quelqu'un lui interdise de voir son ami. Après avoir écouté Armelle, l'éducatrice, lui a expliqué que son ami n'avait pas le droit d'être violent vis-à-vis d'elle. L'éducatrice lui a également dit que, ni les éducatrices, ni l'institution n'avait le droit de lui dire de voir ou ne pas voir son ami, à partir du moment où elle souhaitait continuer sa relation. [...]
[...] Et si oui, de quelles façons et dans quelles mesures ? L'une des réponses apportées par l'institution est la mise en place, depuis peu, d'un groupe de paroles sur les thèmes de l'intimité et de la sexualité, dirigé par un médecin à la retraite. Ce dernier y expose oralement des informations sur la sexualité, les maladies sexuellement transmissibles, les moyens de contraception, l'amour, l'intimité Cette réunion a lieu dans une salle du foyer d'hébergement, chaque semaine. Dès lors, cela m'interroge sur l'opportunité du lieu pour ce groupe de paroles ; en effet, les résidents n'ont pas forcément envie de s'informer sur ces thèmes tabous, en présence de leur voisin de palier. [...]
[...] Trois points pourraient résumer la dynamique de ma réflexion. L'éducateur doit se saisir des questions de la sexualité, des relations affectives et de l'intimité de la personne qu'il accompagne, au risque de mutiler cette dernière d'un aspect important de sa vie, mais aussi de se mutiler lui-même dans sa compétence éducative. Il doit également instaurer un climat de confiance afin d'être un potentiel interlocuteur de choix, quand le besoin s'en fait sentir, par l'usager. Cependant, il doit favoriser la création d'un «espace d'expression », qui échapperait à l'institution et lui permettrait d'avoir «son jardin secret ». [...]
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