Je suis actuellement en stage à l'EHPAD Ti Glazig à Quimper. Cet établissement a une capacité d'accueil de 120 places. Plus de 70% des personnes accueillies présentent une démence de type Alzheimer. Cette maladie entraîne des troubles cognitifs et des désordres psychoaffectifs. Certains sujets sont dans l'incapacité de communiquer verbalement du fait de l'avancée de la maladie. C'est le cas de Mme B., 80 ans, née le 14/09/1932. Elle présente une maladie d'Alzheimer évoluée depuis 10 ans. Elle est entrée à Ti Glazig le 7 novembre 2012, accompagnée par son mari et par sa fille. Le maintien à domicile, malgré l'étayage, n'était plus possible du fait de l'épuisement de son mari.
Mme B. est très angoissée. Elle déambule sans arrêt et ne parvient pas à se poser. Elle est effrayée par le moindre bruit (éternuement, porte qui claque, bruit de pas...). Elle peut être dans le refus de soins et se montrer agressive (frapper les résidents, le personnel, crier...). Dans son dossier, Mme B. présente un syndrome dépressif majeur. Elle pleure dés qu'elle se trouve confrontée à l'échec et à la frustration. Elle répète de manière stéréotypée 3 phrases : « Oh ! Non ! », « Ya plus rien », « Ah bon ».
C'est au cours d'une réunion pluridisciplinaire que plusieurs membres du personnel m'ont demandé si je pouvais rencontrer Mme B. car elle les mettait en grande difficulté face à son refus de soins. Présentant des troubles massifs de la compréhension, Mme B. ne peut plus exprimer ni ses désirs ni ses besoins. L'incompréhension mutuelle entre l'équipe soignante et Mme B. conduit souvent à des moments de tension. J'ai alors rencontré Mme B. qui déambulait le long du couloir. Je me suis approchée de cette dame et je l'ai appelée par son nom. Elle a alors sursauté et paniqué. C'était une erreur de ma part d'être arrivée dans le dos d'une personne aussi angoissée. Je me suis excusée auprès d'elle et me suis présentée. Elle semblait ne pas comprendre ce que je disais. Elle s'est alors énervée et s'est mise à pleurer. Je me suis sentie très gênée de la mettre dans cet embarras. Je ne savais pas quoi faire. J'ai alors essayé de parler en faisant des phrases plus courtes. La compréhension semblait ainsi facilitée car elle tentait de me répondre. Cependant Mme B. présente également un important manque du mot. Elle ne parvient pas à former des phrases ce qui la conduit à une frustration qui dépasse le seuil de tolérance (...)
[...] Le sujet peut être en pleine réflexion ou chercher ses mots. Ecouter un sujet c'est d'abord apprendre à se taire et à accepter le silence. En réalité, je craignais la perte d'interaction avec Mme B. par les silences. J'appréhendais aussi les moments de décalage entre la réalité intérieure de Mme B. et ma propre réalité. Cet écart rend la relation difficile car elle provoque de l'incompréhension tant de la part du patient que de l'entourage. Le sens nous échappe et nous angoisse. [...]
[...] La compréhension semblait ainsi facilitée car elle tentait de me répondre. Cependant Mme B. présente également un important manque du mot. Elle ne parvient pas à former des phrases ce qui la conduit à une frustration qui dépasse le seuil de tolérance. Je lui ai alors demandé si elle était d'accord pour que je marche avec elle. Elle a accepté. Nous avons marché alors ensemble pendant 20 minutes dans les couloirs. Elle a tenu à me prendre la main durant cette marche. [...]
[...] Ces petites réunions se poursuivent toujours aujourd'hui lors des réunions de transmission. III) Réflexions et conclusion provisoire Au début, Mme B. me mettait très mal à l'aise. Je me suis interrogée sur l'origine de ce sentiment. Pourquoi Mme B. faisait émerger en moi ce ressenti? Au début, les entretiens avec Mme B. étaient plutôt directifs. Je ne savais pas comment établir le lien avec elle et je lui posais alors des questions types comme : « Comment va le moral aujourd'hui ? [...]
[...] L'incompréhension mutuelle entre l'équipe soignante et Mme B. conduit souvent à des moments de tension. J'ai alors rencontré Mme B. qui déambulait le long du couloir. Je me suis approchée de cette dame et je l'ai appelée par son nom. Elle a alors sursauté et paniqué. C'était une erreur de ma part d'être arrivée dans le dos d'une personne aussi angoissée. Je me suis excusée auprès d'elle et me suis présentée. Elle semblait ne pas comprendre ce que je disais. [...]
[...] L'évocation de souvenirs semblait être pour Mme B. le moyen d'être dans l'échange, mais aussi de reconsolider les bases d'une identité en voie de dissolution. La maladie d'Alzheimer provoque une désagrégation psychique et ronge l'identité. Cela peut avoir pour conséquences l'émergence d'une riche symptomatologie chez le sujet tels que le repli sur soi, l'anxiété, les manifestations d'angoisse, l'agitation, l'agressivité, le refus de manger, les fugues, la tendance à la somatisation Ce sont des indices qui sont des mises en acte de la souffrance vécue en lien avec une dépossession narcissique qui fait violence au sujet. [...]
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