Depuis près de 20 ans, l'idée d'une crise de la démocratie représentative fait l'unanimité dans la sphère politique de notre société. Cette dernière se traduit par une distanciation accrue entre les élus et leurs administrés et par une plus faible participation aux affaires publiques locales. En témoignent certains indicateurs : les élections tant municipales que nationales connaissent une forte abstention et les citoyens ont une image de plus en plus négative de leurs représentants…
Aux yeux des élus, et cela de manière universelle (d'un point de vue politique), la démocratie participative apparaît comme un palliatif à cette crise, en permettant de rapprocher les élus de leurs administrés et en donnant l'occasion aux citoyens de s'investir dans la vie de la cité par la prise de parole, à travers des processus de participation divers et variés : des dispositifs de concertation généralement relatifs à des projets urbains et d'aménagements et des « formes démocratiques issues directement ou indirectement des sciences sociales comme les jurys de citoyens, les conférences de consensus, les sondages délibératifs et les conseils de quartiers » .
L'enjeu majeur de la démocratie participative est donc de permettre à tous les citoyens de participer à la vie de la cité, c'est-à-dire de permettre une intégration, plus conséquente que celle proposée par la démocratie représentative, des habitants dans la sphère politique. Pour la majorité des auteurs la démocratie participative n'est pas une alternative à la crise de la démocratie représentative mais peut être un complément permettant notamment une « formation citoyenne » des habitants et donc de favoriser leur future participation au système politique représentatif.
A cet effet, un des objectifs de la démocratie participative est d'intégrer les citoyens dans leur diversité, c'est-à-dire les citoyens qui participaient déjà au jeu démocratique traditionnel représentatif (caractérisant notre société) et ceux qui ne participaient pas avant. En d'autres termes, la démocratie participative cherche à conserver une certaine continuité et/ou amélioration du rapport à la politique qu'ont les citoyens déjà « intégrés » politiquement, et de permettre de réconcilier avec la politique les citoyens habituellement absents de la sphère politique traditionnelle.
On recherche donc une « démocratisation de la sphère publique » par l'intermédiaire d'instances participatives censées inclure politiquement les citoyens.
Lors de mon stage au sein du Service Action Territoriale de la Ville de Mulhouse, service en charge de la gestion et de l'organisation des instances de démocratie participative sur Mulhouse, en l'occurrence les conseils de quartiers, j'ai pu constater que mobiliser les habitants, en portant un intérêt particulier aux habitants ne participants pas habituellement à la vie politique locale, était une préoccupation officielle et majeure de la municipalité.
En effet, l'institutionnalisation des conseils de quartiers par la ville de Mulhouse, avant la loi Vaillant relative à la démocratie de proximité , connaît plusieurs objectifs :
- améliorer le service public
- améliorer la vie des habitants dans le quartier
- impliquer les habitants dans la vie de leur quartier, c'est-à-dire relancer la participation des citoyens et en particulier les habitants ne participant plus ou ne pouvant pas participer au système politique traditionnel de représentation.
Le Maire de Mulhouse a ré-affirmé cette volonté dans un interview publié en 2005 par l'écho mulhousien : « Le but implicite aussi évoqué par le cabinet du maire est de réduire les inégalités dans l'accès à la sphère politique, en d'autres termes favoriser l'intégration au conseil de quartier des catégories d'habitants traditionnellement « invisibles » ».
Le conseil de quartier a donc pour but de représenter équitablement la population du quartier dans sa diversité .
Cependant dans le cadre de mon stage, au côté de la chargée de mission territoriale et en particulier sur le quartier de Bourtzwiller, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer des habitants du quartier (jeunes et moins jeunes) qui se plaignaient de ne pas être écoutés, entendus, consultés par la ville alors que d'un autre côté il existe des instances créées à cet effet tel que le conseil de quartier.
De ce constat émergent deux questions :
- Dans quelle mesure le conseil de quartier de Bourtzwiller est-il capable de remplir sa fonction de mobilisation de tous les citoyens (et de manière représentative), c'est-à-dire des citoyens déjà intégrés dans le « jeu démocratique traditionnel », et en particulier de ceux qui ne se voulaient ou qui ne pouvaient pas se mobiliser auparavant, en l'occurrence les étrangers non communautaires. En effet, les étrangers non communautaires ne peuvent pas voter aux élections municipales de la ville française dans laquelle ils résident.
- De quelle nature sont les freins à la participation qui subsistent ? et donc par conséquent dans quelle mesure la ville de Mulhouse est-elle capable de réduire les inégalités traditionnelles d'accès à la sphère politique ?
J'ai par conséquent décidé de faire de ce double questionnement la problématique de mon mémoire, à savoir : Dans quelle mesure, la ville de Mulhouse, par l'intermédiaire du conseil de quartier, permet-elle la mobilisation des habitants de Bourtzwiller ?
[...] Il apparaît donc que le conseil de quartier produit ces propres freins à la participation du fait, en partie, du mode de fonctionnement établi par la ville de Mulhouse. En d'autres termes, dans la première partie nous avons vu que le conseil de quartier était incapable d'intégrer certaines catégories de la population du quartier, et donc par conséquent de rendre cette instance représentative. Dans la deuxième partie, nous avons vu que ce constat est le résultat de freins émanant de la mairie elle-même. [...]
[...] Un autre problème lié à la communication est le fait qu'elle paraît unilatérale. La ville informe des choix qu'elle a faits ou qu'elle va faire sans même écouter l'avis des conseillers. Cette démarche se fait à sens unique, sans feedback En effet, certains conseillers ont eu l'impression d'être spectateurs et de n'avoir qu'à assimiler les informations émanant de la collectivité sans pouvoir à leur tour transmettre des informations utiles pour la réalisation d'un projet. Ce phénomène est étroitement lié au pouvoir laissé aux conseillers de quartier au sein de ce conseil. [...]
[...] En effet, la majorité des logements collectifs sont sociaux et appartiennent donc à des bailleurs sociaux qui ne proposent que des locations. Dans ce contexte, il paraît logique que les habitants de Bourtzwiller soient plus souvent locataires que propriétaires. A l'inverse, il apparaît que le conseil de quartier est principalement composé de propriétaires. En effet d'entre eux le sont. Et de la même façon, ces résultats vont dans le même sens que les résultats précédents du fait que les pavillons sont toujours majoritairement des propriétés. [...]
[...] Plus précisément, ce sont les activités, les missions, le sens exact des conseils de quartier qui sont souvent ignorés par les habitants. En effet, sur 56 personnes interrogées ne connaissent pas le conseil quartier (soit 71.4 Par conséquent, la majorité des personnes interrogées n'était pas capable de définir ce que représente un conseil de quartier et n'en connaît donc ni le rôle, ni le fonctionnement. J'ai d'ailleurs pu constater que pour les quelques personnes qui connaissent le conseil de quartier, un amalgame est régulièrement fait avec le centre socioculturel du quartier, en l'occurrence le Pax. [...]
[...] La démocratie participative, en particulier par un de ces outils que représentent les conseils de quartier, a notamment pour objectif de réduire les inégalités dans l'accès à la sphère politique afin de permettre à tous les citoyens de s'impliquer dans la vie de la cité. En ce qui concerne le conseil de quartier de Bourtzwiller, force est de constater que cet objectif, en connaissant le même constat en terme de participation que le système traditionnel de démocratie représentative, est loin d'être atteint. [...]
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