Nos parents vieillissent et vivent plus longtemps. Les progrès de la médecine et les nombreux services mis en place pour répondre à la dépendance ont sensiblement augmenté la santé et les conditions de vie des personnes âgées. Jour après jour, pourtant, les forces, la mobilité, la mémoire, la faculté d'assumer les responsabilités de l'existence quotidienne se restreignent. La meilleure définition du « grand âge » est donc ce retour à un état de dépendance ou de semi-dépendance.
Aujourd'hui, la famille est le premier support des parents âgés répondant à leurs besoins d'aides, de services et de soins. La solidarité envers les parents est inconditionnelle, la prise en charge des siens s'enracine si fortement dans la norme des solidarités familiales que s'y soustraire génère le sentiment de ne pas accomplir un devoir.
Au cours de mon stage au sein du service gériatrique du CHU de Bois-Guillaume, je me suis régulièrement trouvée au contact de l'entourage familial des patients âgés. Ainsi, j'ai souvent été exposée à des situations de rupture liées à l'apparition de la perte totale d'autonomie chez l'âgé. Face à cela, maintes et maintes réactions d'épuisement, d'angoisse, de culpabilité et parfois même de désespoir de la part de la famille, en particulier des enfants. Je me suis souvent demandée quelles étaient les causes précises de ces situations de rupture, les conséquences de ces bouleversements sur l'ensemble de la structure familiale. Comment la crise d'un des membres de la famille peut agir avec tant de force sur l'ensemble du groupe et mettre en péril un système de relation intégré par tous depuis plusieurs décennies ?
La rupture survient généralement à l'occasion d'une accélération du vieillissement, de la découverte d'une maladie chronique, d'une chute, d'un décès du conjoint et pose souvent la question du placement. Inévitablement, dans ce système complexe, des crises d'ajustement se produisent qui bouleversent les règles de fonctionnement habituelles du groupe familial.
A travers diverses interrogations, nous tenterons de théoriser à partir d'une observation de stage marquante, la notion de crise, rupture de l'équilibre des relations au sein d'un système familial désorganisé en raison de l'accélération du vieillissement du parent âgé. Nous nous pencherons sur les raisons et les attitudes susceptibles de provoquer une interdépendance parfois dangereuse car menaçant le cadre de liberté du vieillard et de ses enfants.
Ainsi, après avoir rapidement évoqué la situation de crise de la vieillesse et les nombreuses pertes qui en découlent, nous nous pencherons sur la fragilité de la structure familiale. Puis, nous nous interrogerons sur la potentielle apparition d'une crise intrafamiliale liée à la dépendance du parent âgé.
[...] Cette situation sur laquelle nous reviendrons par la suite met en avant un type de relation particulier. En revenant à l'exemple de la famille peut-on supposer que l'hébergement du parent âgé au domicile conjugal constitue la première étape de la crise, s'il y en bouleversant les rôles et les statuts de chacun des membres de la famille ? En effet, ne peut-on pas admettre qu'en accueillant sa mère et en assurant l'intégralité de sa prise en charge, Mme B perpétue la norme des solidarités familiales et devient en quelque sorte la mère de sa mère. [...]
[...] Mme B précise que la prise en charge de sa mère la monopolise constamment. Les chutes de cette dernière nécessitent une attention permanente. Pour elle, l'hospitalisation serait une transition moins radicale avant l'entrée en maison de retraite, un retour à domicile est impensable : Je ne me vois pas défaire ses valises pour les refaire ensuite, elle ne comprendrait pas . Devant la détresse du couple, Cécile Gloc n'insiste pas, elle rassure Mme B et propose de demander une place en service de Moyen Séjour le temps de trouver une solution. [...]
[...] Les bouleversements familiaux provoqués par le vieillissement du parent âgé INTRODUCTION Nos parents vieillissent et vivent plus longtemps. Les progrès de la médecine et les nombreux services mis en place pour répondre à la dépendance ont sensiblement augmenté la santé et les conditions de vie des personnes âgées. Jour après jour, pourtant, les forces, la mobilité, la mémoire, la faculté d'assumer les responsabilités de l'existence quotidienne se restreignent. La meilleure définition du grand âge est donc ce retour à un état de dépendance ou de semi-dépendance. [...]
[...] En effet, il arrive souvent que l'habitat de la personne âgée ne soit pas adapté à ses pertes d'autonomie ou que l'augmentation de la dépendance soit telle qu'elle empêche la personne de continuer à vivre seule. Des réaménagements sont alors indispensables mais ceux-ci présentent généralement un coût important difficile, voire impossible à assumer. La famille est alors mise en demeure de produire des réaménagements qui ne seront pas sans échos sur les relations intrafamiliales. Le passif familial C'est au moment de la prise en charge que se réactivent les conflits internes à la famille. [...]
[...] De plus, on peut réellement parler de surinvestissement lorsque Mme B évoque les soins constants qu'elle portait à sa mère. La dépendance de sa mère n'est-elle pas vécue pour Mme B sur un registre moral et personnel ? Mme B ne semble pas réellement satisfaite de la décision de placer sa mère en institution même si elle sait qu'il n'y a pas d'autre solution. Peut-on supposer qu'elle envisage cette prise de distance pourtant nécessaire avec un fort sentiment de culpabilité sachant que le prix en est la souffrance de sa mère ? [...]
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