La multiplication des relations contractuelles limitées dans le temps est sans doute l'un des traits majeurs du droit du travail contemporain, confortant l'idée aujourd'hui largement répandue de l'instrumentalisation et du renouveau du contrat de travail. Ce constat est le fruit d'une évolution législative qui obéit à deux logiques différentes bien admises : la première se donne pour objectif l'encadrement d'une certaine flexibilité nécessaire à l'entreprise, la seconde initie une politique de formation et d'insertion dans le monde du travail en faveur du salarié.
A l'heure actuelle, les contrats de travail à durée limitée représentent environ 10 % de l'emploi salarié. Ainsi, près de deux millions de travailleurs sont aujourd'hui liés par un contrat à durée limitée. Ces chiffres sont là pour nous rappeler, si besoin est, l'importance de l'emploi précaire en France. Différents contrats de travail composent cette catégorie des contrats à durée limitée, que l'on peut distinguer en deux groupes. Tout d'abord, le contrat à durée déterminée et le contrat de travail temporaire, qualifiés de « contrats précaires ». Cette appellation est aujourd'hui reconnue. On la trouve sous la plume de nombreux auteurs et elle est utilisée par le législateur. Ainsi, la loi du 12 juillet 1990, texte de base de la législation de ces contrats s'intitule « loi favorisant la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires ». Cette expression s'est imposée en ce que ces contrats placent le salarié dans une situation précaire, puisqu'au « terme » de son contrat il perd son emploi.
Le deuxième groupe de contrats comporte les contrats à durée limitée de la politique de l'emploi, appelés contrats aidés car ils s'accompagnent d'une aide financière plus ou moins conséquente de l'Etat. Nous écarterons ces derniers de notre étude car ils sont soumis au régime juridique des contrats à durée indéterminée.
Peuvent être conclus sans terme précis, le contrat à durée déterminée et le contrat de travail temporaire conclus pour remplacer un salarié absent, les contrats saisonniers et les contrats d'usage. S'agissant des premiers, le respect de l'interdiction sera garanti par l'effectivité du remplacement. De même, si les limitations liées à l'activité de l'entreprise et à la durée de la saison sont respectées, le contrat saisonnier ne sera pas destiné à pourvoir un emploi permanent dans l'entreprise. A l'inverse le contrat d'usage soulève de nombreuses difficultés et fait l'objet d'un abondant contentieux.
Pour les contrats d'usage, l'article L. 122-1-1, 3° du Code du travail précise que le contrat conclu sans terme précis « doit alors être conclu pour une durée minimale et il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu ». Cet alinéa n'exclut donc pas expressément la limitation de durée à dix-huit mois pour ces contrats. Toutefois, pourquoi indiquer que le terme du contrat est constitué par la réalisation de son objet, si l'on impose, par ailleurs, une durée maximale ? Plusieurs contrats successifs peuvent donc être conclu et ce pour une durée qui n'est pas limitée, la seule limite étant apportée par l'interdiction de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Des cas de recours ont été spécialement créés pour certaines entreprises dont l'activité ne permet pas toujours de recourir au contrat de travail à durée indéterminée. Pour ces entreprises, le contrat de travail précaire devient, dans certaines situations et sous certaines conditions, le contrat de « droit commun » en lieu et place du contrat sans terme. Cependant, pour les salariés embauchés par le biais de ce type de contrats, le contrat de travail de droit commun devient un contrat de travail « précaire ».
En effet, les contrats à durée déterminée d'usage voient régulièrement leur utilisation détournée de leur but principal dans l'intérêt économique de certaines entreprises profitant de la crise de l'emploi ; tel est le cas dans l'affaire opposant la société BS Vision à Monsieur Bellorge. En l'espèce, la société BS Vision exploite, de notoriété, une entreprise relevant du secteur d'activité relatif à la construction et à la réparation de navires civils. Elle applique les dispositions de la convention collective des Industries métallurgiques de Loire Atlantique. Monsieur Bellorge a travaillé au service de la société BS Vision dans le cadre de contrats à durée déterminée, expressément ou implicitement qualifiés de « contrats d'usage », visant l'exécution de travaux obtenus en sous-traitance des « Chantiers de l'Atlantique » dans le cadre de la construction ou de la réparation de différents navires. Le dernier contrat en date a pris fin par la survenance du terme pour des raisons qu'il n'est nul besoin d'expliquer dans les détails qui résident dans le terme du dernier contrat de sous-traitance dont bénéficiait la société BS Vision de la part des Chantiers de l'Atlantique. Monsieur Bellorge a conclu dix contrats à durée déterminée d'usage espacés de quelques jours sur une période de trois ans. Il intervenait sur le site des Chantiers de l'Atlantique pour des prestations de menuiserie navale à bord des navires en construction. A l'issue de son dernier contrat, la société BS Vision a annoncé à Monsieur Bellorge qu'elle ne renouvellerait pas sa collaboration. Estimant qu'il avait été engagé en violation des règles applicables au contrat à durée déterminée, Monsieur Bellorge a consécutivement saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint Nazaire et a sollicité la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et, dès lors, l'ensemble des sommes qui résulteraient d'une telle qualification.
Il conviendra d'étudier, à travers la décision du Conseil de Prud'hommes, les règles relatives aux contrats à durée déterminée d'usage, la jurisprudence abondante sur le sujet, l'utilisation abusive qui peut parfois être faite de ces contrats au regard de la loi et la sanction de ces recours abusifs.
[...] Mais ce recours est autorisé dans la mesure où il n'est pas durable. Enfin, et ce dernier aspect de la notion permet de limiter les abus, le salarié ne doit pas pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Cet aspect de la notion est souvent occulté. Or, le salarié recruté par contrat à durée déterminée d'usage peut pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, à la condition que ce ne soit pas d'une manière durable. [...]
[...] La convention collective permet de compléter la liste des secteurs d'activités prévus par décret. Ainsi, la chambre sociale admet que la convention collective nationale des organismes de formation, étendue le 16 mars 1989, et prévoyant que les formateurs peuvent être embauchés sous contrat à durée déterminée pour des opérations de formation et d'animation limitées dans le temps, et dont les qualifications ne sont pas normalement mises en œuvre dans les activités de l'organisme de formation s'applique, bien que l'activité de formation ne figure pas dans la liste de l'article D. [...]
[...] C – Conditions relatives à l'emploi Les conditions relatives à l'emploi concerné par l'utilisation d'un contrat à durée déterminée d'usage concernent la nature temporaire de l'emploi. Cependant, il peut y avoir une succession de contrats et certaines catégories d'emploi qui compliquent l'utilisation spécifique du contrat d'usage. Tous les emplois d'une entreprise, dont l'activité relève d'un secteur visé par l'article D. 121-2 du Code du travail, ne sont pas susceptibles de justifier des engagements temporaires sur le fondement de l'article L. 122- 3° du même code. Seuls ceux qui sont temporaires par nature pourront être pourvus par des contrats à durée déterminée. [...]
[...] X que l'emploi de réalisateur attaché à cette émission permanente a nécessairement le même caractère d'autant plus que l'intéressé a occupé cet emploi pendant plus de six années de sorte qu'il relève de l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il ne peut être pourvu que dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; Qu'en statuant par ce motif inopérant alors qu'il lui appartenait de rechercher si, en ce qui concerne l'emploi de M. X il était d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée dans ce secteur d'activité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Pourvoi 01- 47.035 Arrêt n° 2666 du 26 novembre 2003 Cour de cassation - Chambre sociale Cassation LES FAITS Vu les articles L. [...]
[...] En vigueur, version du 6 février 1982 Le Président de la République, Sur le rapport du premier ministre, du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre du Travail, Vu la Constitution, et notamment ses articles et 38 ; Vu la loi n° 82-3 du 6 janvier 1982 autorisant le gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à prendre des mesures d'ordre social ; Vu le code du travail ; Vu le code civil ; Le Conseil d'Etat entendu, Le conseil des ministres entendu, RAPPORT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Monsieur le Président, L'impact de la crise économique depuis 1974, la dégradation de la situation de nombreuses entreprises et l'incertitude générale quant aux perspectives à moyen terme qui en résulte ont profondément modifié les pratiques de gestion de la main-d'oeuvre. Ainsi, la recherche d'une diminution des coûts salariaux a conduit les entreprises à réduire au maximum le nombre de salariés permanents et à limiter leur emploi aux fonctions considérées comme essentielles pour la pérennité et le développement de l'entreprise. [...]
Référence bibliographique
Format APA en un clicLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture